Infoflash - Preuve d'une discrimination sur le lieu de travail : les pouvoirs des inspecteurs étendus
Catherine Legardien - Legal Advisor - Partena Professional
Le code pénal social a récemment été adapté afin d’octroyer aux inspecteurs sociaux des compétences particulières en matière de recherche et de constatation des infractions « discriminatoires ». La possibilité pour les inspecteurs sociaux de faire usage de ces pouvoirs particuliers en matière de discrimination entre en vigueur le 1er avril 2018.
QUEL EST L’OBJECTIF ?
Contrairement à ce qui est prévu pour la plupart des infractions de droit pénal social, il faut prouver l’intention délictueuse pour les infractions en matière de discrimination. Cela s’avère souvent très difficile, voire impossible.
C’est la raison pour laquelle le code pénal social dote désormais les inspecteurs sociaux de « pouvoirs particuliers en matière de discrimination ». Sous certaines conditions très strictes, ils pourront approcher une entreprise en se présentant comme des clients (potentiels) ou des travailleurs (potentiels), pour vérifier si une discrimination fondée sur un critère protégé (âge, sexe, convictions religieuses, etc.) a été ou est commise et cela, sans devoir présenter leur titre de légitimation et communiquer leur qualité.
QU’EN EST-IL CONCRÈTEMENT ?
La possibilité pour les inspecteurs sociaux de faire usage des pouvoirs particuliers en matière de discrimination est soumise à des conditions strictes.
Lois anti-discrimination
Les pouvoirs particuliers en matière de discrimination alloués aux inspecteurs sociaux ne peuvent être utilisés que pour s’assurer du respect des trois lois « anti-discrimination » (et de leurs arrêtés d’exécution) dans le domaine des relations de travail.
Il s’agit, plus précisément, des lois suivantes :
- loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination,
- loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes,
- loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie.
Cadre bien précis
Les inspecteurs sociaux ont le pouvoir, en présence d’indications objectives de discrimination, à la suite d’une plainte ou d’un signalement, soutenues par des résultats de datamining et de datamatching, de se présenter comme des clients, des clients potentiels, des travailleurs ou des travailleurs potentiels, pour vérifier si une discrimination fondée sur un critère protégé a été ou est commise.
Par datamining, on entend la recherche de façon ponctuelle des liens dans des collectes de données afin d’établir des profils pour des recherches plus approfondies.
Par datamatching, on entend la comparaison l’un avec l’autre de deux sets de données rassemblées.
Les pouvoirs particuliers en matière de discrimination ne peuvent être exécutés qu’après accord préalable et écrit de l’auditeur du travail ou duprocureur du Roi.
Ils doivent, par ailleurs :
- se limiter à créer l’occasion de mettre à jour une pratique discriminatoire,
- être exercés s’ils sont nécessaires à l’exercice de la surveillance afin de pouvoir constater les circonstances qui sont d’application pour des clients habituels, des clients potentiels, des travailleurs ou des travailleurs potentiels et si ces constats ne peuvent pas être réalisés d’une autre façon,
- ne pas avoir pour effet de créer une pratique discriminatoire alors qu’il n’y avait aucun indice sérieux de pratiques qu’on puisse qualifier de discrimination directe ou indirecte.
Toutes les actions entreprises lors de la recherche et leurs résultats doivent être consignés dans un rapport et communiqués à l’auditeur du travail ou au procureur du Roi.
Infractions mineures
Il est interdit aux inspecteurs sociaux chargés d’exécuter les pouvoirs particuliers en matière de discrimination de commettre des faits punissables dans le cadre de leur mission.
Sont cependant exemptés de peine, les inspecteurs sociaux qui, dans le cadre de leur mission et en vue de la réussite de celle-ci ou afin de garantir leur propre sécurité, commettent des faits punissables absolument nécessaires (par exemple, l’utilisation d’un faux nom) avec l’accord exprès et préalable de l’auditeur du travail ou du procureur du Roi. Ces faits punissables ne peuvent pas être plus graves que ceux pour lesquels la méthode de recherche est mise en œuvre et doivent être nécessairement proportionnels à l’objectif visé.
Source : loi du 15 janvier 2018 portant des dispositions diverses en matière d’emploi, M.B. 5 février 2018.