Question à un expert: Médias sociaux et relations de travail

Jordane Houdart - Legal Officer - Partena Professional

Avec l’émergence des nouvelles technologies, les réseaux sociaux deviennent omniprésent au sein d’une entreprise. On assiste au développement de  forums de discussion et de réseaux sociaux sur Internet comme Facebook qui  est le réseau social le plus utilisé à travers le monde.

Le succès de ces médias sociaux a dès lors des répercussions sur les relations de travail. En effet, ces nouveaux outils de communication donnent aux travailleurs la possibilité de s’exprimer avec cependant de nombreux risques de dérives. La question s’est ainsi posée de savoir si des messages indélicats postés sur un réseau social par un travailleur à propos de son employeur et/ou ses collègues justifiaient un licenciement pour motif grave.

Intérêts de l’employeur et liberté d’expression du travailleur

Le droit du travail reconnaît des droits et obligations particuliers tant pour l’employeur que pour le travailleur.

À cette fin, l’article 16 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail dispose que l’employeur et le travailleur se doivent le respect et des égards mutuels.

Dans le cadre de la relation d’autorité entre les deux parties, il y a également  lieu de respecter les dispositions de la loi vie privée et de la CCT n°81 afin de réunir au maximum les intérêts de l’employeur et la protection des droits du travailleur. En effet,  la balance des intérêts entre la vie privée du travailleur et l’activité d’une entreprise n’est pas simple à équilibrer.

Les réseaux sociaux sont omniprésent. Ils peuvent avoir une destination essentiellement professionnelle comme LinkedIn ou principalement privée comme Facebook. L’employeur veut dès lors pouvoir en réglementer l’usage  au travail.

Le droit au respect de la vie privée ainsi que la liberté d’expression du travailleur ne sont pas des droits absolus. Une ingérence peut être envisagée par l’employeur.

La difficile cohabitation entre la protection de la vie privée au travail ainsi que la liberté d’expression et le droit de contrôle de l'employeur provoque énormément de controverse surtout en ce qui concerne la limite entre la vie privée et le droit d’expression d’un travailleur et le droit d’ingérence de l'employeur.

Droit fondamental et proportionnalité

Selon la Cour européenne, le lieu de travail est l’endroit par excellence pour établir des relations, des communications et une correspondance privée car c’est là que les travailleurs passent le plus clair de leur temps. Cet espace personnel représente donc aussi un droit fondamental du travailleur sur le lieu de travail. Une certaine tolérance est donc acceptée pour les communications privées effectuées par les membres de leur personnel sur le lieu de travail ainsi que l’utilisation de médias sociaux.

Il est également admis qu’une interdiction générale d’utiliser internet à des fins privées sur le lieu de travail n’est pas raisonnable et n’est pas proportionnelle à l’utilité d’Internet pour les travailleurs dans leur vie quotidienne.

Un travailleur mécontent  a le droit de s’exprimer mais celui-ci doit surveiller les propos utilisés. Le problème réside souvent dans le langage employé et de délimiter la frontière dans l’expression d’un mécontentement et des messages qui pourraient être qualifier d’insolents ou même d’insultants et calomnieux pour l’employeur.

Rappelons également que l’employeur qui veut contrôler l’utilisation d’internet au travail ou les courriers de ses travailleurs ne peut pas le faire n’importe comment. Lors d’un contrôle, l’employeur doit respecter les principes de base de la vie privée, c’est-à-dire poursuivre un but légitime, s’abstenir de systématiquement tout contrôler et informer le travailleur de la possibilité d’un contrôle.

Quand l’utilisation de facebook mène au motif grave

La jurisprudence en matière de réseaux sociaux et de relation de travail est peu nombreuse. Le licenciement  pour motif grave d’un travailleur à la suite de propos ou insultes publiées sur Facebook ou réseau similaire provoque deux types de questions. La première touche à l’admissibilité de la preuve rapportée par l’employeur pour justifier sa décision et la seconde concerne l’appréciation du motif grave lui-même.

La loi sur les contrats de travail considère comme motif grave, « toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur ». Elle mentionne également que « l’employeur et le travailleur se doivent le respect et des égards mutuels. Ils sont tenus d’assurer et d’observer le respect des convenances et des bonnes mœurs pendant l’exécution du contrat ».

Dès lors, il ressort que des propos diffamatoires ou des insultes peuvent constituer un motif grave justifiant une rupture de contrat.

La jurisprudence européenne considère en principe le compte Facebook comme un site public, et ce peu importe les options du compte.

Il ressort donc de différents arrêts que les critiques émises par un travailleur envers son employeur ou la politique de son entreprise en postant des commentaires dans la partie publique d’un site de réseau social comme Facebook peut constituer une faute justifiant un licenciement pour faute grave.

On prend en compte le paramétrage, c’est-à-dire l’étendue de l’accès aux informations qui sont publiées. Les informations qu’un travailleur poste sur la partie publique accessible à tous d’un site de réseau social ne sont pas protégées par le droit au respect de la vie privée car on considère que tout internaute a accès à ces informations. Il a été également jugé que les informations dont l'accès est limité aux amis du titulaire du profil mais aussi aux amis de ses amis », perdent également leur nature privative.

Pour les informations accessibles aux seuls « amis » du travailleur intéressé, elles seront considérées comme publiques lorsque le nombre d' « amis » du travailleur est important ou lorsque certains d'entre eux font partie du personnel de l'entreprise.

Dans ces hypothèses, on va considérer que les informations postées par un travailleur peuvent donc être utiliser comme preuve pour l’appréciation d’un licenciement pour motif grave.

Le travailleur possède, en principe, un droit de critique envers son employeur ou ses collègues, et ce tant dans l'entreprise qu'en dehors de celle-ci, mais dans les limites imposées par  la liberté d'expression. En effet, le principe d’exécution de bonne foi du contrat de travail comporte une obligation de loyauté réciproque entre l'employeur et le travailleur, en raison de la relation de confiance qui doit exister entre eux.

La critique est donc admissible mais elle pourrait être considérée comme un motif grave si elle rend impossible la poursuite des relations contractuelles entre le travailleur et son employeur.

Malgré le manque de jurisprudence en la matière, Internet n’est pas un espace de non-droit, il n’est pas permis d’y faire n’importe quoi. En tout état de cause, en cas de contestation c’est le juge qui appréciera les circonstances entourant la rupture du contrat et le degré de publicité du message contesté.

Mieux vaut prévenir que guérir

L’annexe au règlement de travail relative à l’utilisation du courrier électronique et de l’accès internet dont l’accès aux médias sociaux a essentiellement pour objet de préciser les conditions d’utilisation d’internet dans le cadre des relations de travail ainsi que les droits et devoirs de chacunes des parties.

En précisant ainsi les droits et obligations de chacun, l’annexe au règlement de travail permettra très certainement de rencontrer les préoccupations respectives des parties et d’éviter que l’utilisation d’internet et donc l’accès aux médias sociaux soit source de contestations. La « Social Media Policy » peut vous aider à contrôler l’utilisation d’internet et les e-mails des travailleurs pendant les heures de travail. Celle-ci interdit, par le biais du règlement de travail, tout dénigrement de l’entreprise et de la direction de celle-ci, que ce soit sur le net ou ailleurs, pendant les heures de travail ou en dehors.

Question à un expert

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Photo Jordane Houdart

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Aurelie Coeckelbergh

TBWA/PR-IDE

Isabelle Verdeyen

TBWA/PR-IDE

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